mini-DebConf Marseille 2019

Première publication : 2019-06-06
Dernière mise à jour : 2022-11-25

Les 25 et 26 mai 2019 se tenait la mini-DebConf Marseille.

Les mini-DebConfs sont des événements organisés par la communauté pour aider les personnes intéressées par le projet Debian à se rassembler, partager et travailler ensemble. Elles sont plus courtes, plus simples et plus fréquentes que les DebConfs annuelles.

Je ne vais pas raconter le déroulement de la conférence, Grégory l’a très bien fait sur son propre blog. Je vais plutôt partager mon ressenti et l’état d’esprit derrière cette organisation et le déroulement de l’événement.

La naissance de l’idée

Depuis de nombreuses années – probablement « Paris on Rails » en 2006 – je participe à des conférences autour des logiciels et technologies (souvent libres) que j’utilise. J’y ai toujours trouvé un esprit communautaire (au sens de ce qui nous rassemble) qui m’a beaucoup influencé.

J’ai souvent été dans les rangs des salles de conférences, et de temps en temps j’ai aussi été sur scène en tant qu’orateur. L’expérience est évidemment très différente mais les deux positions apportent des choses très complémentaires.

En 2013 j’ai organisé à Marseille un « Global Day of Code Retreat ». Ça a été ma première tentative d’organisation : trouver une vingtaine de participants, les nourrir, les guider dans les activités créatives, financer tout ça… J’ai été aidé pour la partie “coaching” mais j’ai géré l’organisation tout seul.
Il ne s’agissait que d’une journée, avec un public très réduit, mais la charge de travail et la diversité des tâches m’ont clairement appris qu’il ne fallait pas se lancer là dedans tout seul. On m’avait prévenu, mais je voulais me prouver que j’en étais capable.

En 2017, une bonne partie de l’équipe Evolix participait à la DebConf de Montreal. Il s’agit d’une conférence qui réunit plus de 500 personnes – venues du monde entier – autour du projet Debian (la meilleure et une des plus anciennes distributions GNU/Linux).
Une semaine complète dans les locaux d’une université, des dizaines de présentations (dont la nôtre), une logistique technique, repas et hébergement franchement complexe. J’étais impressionné par l’ampleur de l’événement et surtout par l’effet humain.
Ce genre de conférence est un formidable catalyseur. On y rencontre des gens très différents mais tous avec les mêmes objectifs. La diversité des origines, parcours de vie, sensibilités… est super enrichissante, pourvu qu’on y soit réceptif. Le sentiment de partage à double sens est très fort.

Lors de cette DebConf, Grégory et moi nous étions engagés à y faire une présentation, en Anglais et en duo. Depuis qu’on se fréquente et surtout depuis qu’on travaille ensemble on a tendance à se chauffer sur des idées un peu folles qui nous font sortir de notre zone de confort.

La même année on s’est rendus à Toulouse pour le « Capitole du Libre », une grande conférence sur les logiciels libres au sein de laquelle était aussi organisée une mini-DebConf. L’objectif est le même que pour les DebConf classiques, mais le périmètre, les ambitions et les moyens sont beaucoup plus modestes. C’est concentré sur 1 ou 2 jours avec des présentations qui attirent quelques dizaines de participants. Denis Briand – le principal organisateur de cette édition – nous a transmis son enthousiasme et nous a incités à organiser un événement du même type à Marseille. Il a tenté de nous rassurer sur la faisabilité de la tâche et nous a assuré du soutien de la communauté française. L’équipe vidéo DebConf – représentée sur place par Nicolas Dandrimont – nous a également quasi assuré de leur présence.

Il n’en fallait pas plus pour nous convaincre.

À la fin d’une de nos présentations, Grégory a annoncé une mini-DebConf à Marseille en 2018 ou 2019, sous le soleil des Calanques. Il aurait fallu se plonger directement dans l’organisation pour pouvoir tenir l’événement à peine 8 mois plus tard et ça ne collait pas super bien avec notre agenda. On a donc rapidement opté pour mai/juin 2019.

Un noyau d’organisation

Grégory et moi partageons beaucoup de valeurs et nous étions bien alignés sur la manière dont on voulait réaliser cette mini-DebConf. On a pris quelques semaines/mois pour rassembler nos notes à propos de l’organisation de conférences. On a sollicité des avis, relus des articles sur le thème… Fin 2018 on a officiellement lancé la machine.

Étant donné que Debian est un projet central pour Evolix, il était clair que ce chantier d’organisation serait en grande partie réalisé sur notre temps de travail, histoire d’assurer un minimum de disponibilité pour les personnes clés.

On a écrit sur un document partagé tout ce qui nous passait par la tête : quoi mettre sur les badges, quel code de conduite adopter, que type de restauration, comment prendre soin des participant⋅e⋅s en général et les orat⋅eur⋅ices en particulier… Ça n’était pas un plan de bataille, mais plutôt une sorte de cahier des charges.

On a motivé Sabiha, fraichement arrivée chez Evolix. Très organisée, suffisamment directive (dans le bon sens), rompue à l’organisation événementielle, et surtout très motivée, elle était le bon complément à notre duo.

On s’est assez naturellement réparti les grands chapitres de l’organisation. Pendant quelques semaines on a choisi un lieu et une date, un traiteur, organisé les grandes lignes des taches à réaliser, accueilli avec plaisir des propositions d’aide de la part de plusieurs personnes très motivées. On a communiqué avec la communauté Debian, motivé des orateurs potentiels et commencé à gérer les choses de plus en plus en détail.

Durant les deux semaines précédant l’événement, j’ai graduellement augmenté la proportion de mon temps passé à régler les détails. La dernière semaine je n’ai fait quasiment que ça. Avoir une telle liberté vis-à-vis de mon temps de travail a été très appréciable. Ça m’a permis de gérer beaucoup de choses, sans avoir à (trop) sacrifier mon sommeil ou ma vie de famille.

Quelques jours avant, nous avons réuni la plupart des bénévoles déjà sur place, pour présenter les zones de responsabilité et le déroulement détaillé de l’événement. Ça a permis de mettre tout le monde à la page, mais surtout ça a révélé des aspects complètement oubliés (qu’il était encore temps de rattraper) et fait émerger des idées (qu’il était temps de mettre en pratique).
Par exemple, seulement des hommes avaient réfléchi à l’occupation de l’espace et donc mal envisagé la gestion des toilettes.
Nous avions aussi prévu un espace d’expression libre et Eda — que nous connaissons par nos activités associatives et qui n’était pas encore intervenue – a proposé l’idée d’enveloppes nominatives dans lesquelles les participants pourraient se déposer des petits mots plus ou moins anonymes.
Enfin, nous voulions offrir le premier verre lors de la soirée sociale à « La Cane Bière » et nous cherchions encore une idée pour matérialiser ça. Au dernier moment Juliette a eu l’idée de découper des bouts de PCB issus de disques durs détruits et d’accrocher ça (après nettoyage et personnalisation) au tour-de-cou donnés avec les badges. Travailler sur l’accueil des participants avec créativité, respect des sensibilités diverses, dans un esprit geek et le plus écolo possible a rendu la tâche vraiment fun et satisfaisante.

Des valeurs

Bien qu’on s’attendît à des participant⋅e⋅s bienveillant⋅e⋅s et respectueu⋅x⋅ses, il était évident qu’il fallait expliciter un code de conduite. Nous l’avons mis en avant à l’inscription, dans nos différentes communications par mail, rappelé lors du discours d’accueil, affiché en grand à l’entrée de l’auditorium… Nous avons présenté les personnes référentes (hommes et femmes), annoncé une adresse mail et un numero de téléphone/Signal. Au final nous n’avons reçu aucun signalement ou plainte. On avait également proposé aux participant⋅e⋅s d’imprimer sur leur badge un pictogramme explicite et coloré pour indiquer : « OK pour être pris⋅e en photo », « demander avant », ou « ne pas me photographier ».

Attentifs à l’empreinte écologique, nous avons essayé de faire le plus neutre possible. On ne pouvait pas empêcher les participant⋅⋅e⋅s de prendre la voiture ou l’avion pour venir (d’Israël, Canada ou Australie, c’est difficile). Par contre on a pu éliminer le gaspillage alimentaire, les couverts et gobelets jetables. On a fortement limité les emballages plastiques (bouteilles…).
On a aussi choisi de limiter les « goodies » à des choses qui seraient réellement utilisées : un t-shirt (avec choix de la coupe en plus de la taille), un sticker, et un badge sans plastique.
Pas de sacs, de stylos, de plaquettes commerciales de sponsors…

Une autre idée forte était de faire le maximum pour que les participant⋅e⋅s se sentent bien pendant le temps où ils⋅elles étaient là. Sachant que pas mal de monde arriverait à Marseille en avance, nous avons ouvert le lieu au public dès vendredi 14h. Nous avions proposé à des équipes Debian de venir plusieurs jours avant pour profiter de faire un sprint.
L’équipe « vidéo » est venue dès mercredi et l’équipe « localisation française » a profité de toute la journée du vendredi. Une grande pièce, à l’écart, avec des canapés, fauteuils… étaient disponibles, notamment pour le CA de « Debian France » qui y a pu organiser une assemblée générale. On avait préparé plein d’informations utiles dans le Wiki. On a rappelé tout ça dans un long mail envoyé quelques jours avant. Et comme tout le monde ne lit pas avec attention ses mails, on a fait un PDF récapitulatif.

Au niveau alimentaire, on est parti sur une base végétarienne, avec même une majorité d’options végan, sans gluten… En travaillant avec une équipe locale (ma très chère sœur !), qui n’utilise que des produits locaux et frais, on a pu avoir une belle diversité et originalité de nourriture qui semble avoir ravi les participant⋅e⋅s.

Le coup de feu

Pendant 3 jours, j’étais à fond, littéralement. J’avais la responsabilité du lieu et des clés donc il fallait être là avant tout le monde et repartir le dernier.
Mon naturel touche-à-tout, un peu perfectionniste et surtout ma grande difficulté à déléguer a fait qu’on m’a vu courir dans tous les sens, d’un étage à l’autre.
On a pu croire que j’étais la pierre angulaire de l’organisation alors que je n’étais qu’un maillon, juste un peu plus visible que d’autres.

C’était notamment dû au fait que j’ai fait le discours de bienvenue, la moitié des interludes entre les présentations ainsi que le petit discours de fin.
Ça aussi c’était un peu nouveau pour moi.

J’ai eu 2 fois l’occasion de faire des présentations en anglais devant des gens (a fortiori des gens que j’estime et sur qui j’ai envie d’avoir un effet positif). La première était une conférence Ruby en 2011 et la seconde à la DebConf de Montréal (en duo avec Grégory) en 2017. Chaque fois j’ai énormément travaillé mon texte, répété à l’usure, jusqu’à être plus dans un mode théâtral que naturel et spontané. Le stress a été énorme et accompagné d’un sentiment proportionnel de soulagement une fois le moment passé.
Pour cette mini-DebConf où j’ai fait le MC, je ne m’étais pas spécialement préparé (à part mes diapos) ni répété ce que je voulais dire ou comment tourner mes phrases. J’avais clairement en tête le fond (aidé de mes supports) mais pas du tout la forme. Pourtant j’ai eu à transmettre en anglais un message important à plusieurs dizaines de personnes. Objectivement l’exercice était le même, l’enjeu était similaire.
Je suis sûr d’avoir fait plein de fautes d’anglais, j’ai probablement bafoué pas mal de règles du bon présentateur, mais il paraît que ça passait plutôt bien et puis je ne me suis pas senti perdu ni ridicule. J’ai probablement une leçon personnelle à tirer de ça, pour mes prochaines présentations, en particulier celles en anglais.

Fin du brouillon inachevé, écrit début juin 2019.


Mise à jour du 25 novembre 2022

J’y reviens 3 ans et demi plus tard avec fatalement une mémoire bien moins précise, donc je n’essaierai pas de le terminer. La police des blogs bien finis sait où me trouver.

Je note quand même qu’à l’époque je n’ai pas écrit la section de remerciements. Je l’écris habituellement à la fin, et la fin n’est jamais venue. C’est la seule chose que je vais essayer de compléter a posteriori, sans ordre d’importance :

  • Sabiha et Grégory pour avoir formé le trépied d’un noyau d’organisation ultra-stable et efficace. Je suis tellement content d’avoir fait ça avec vous.
  • Jérémy Dubois qui a fait un boulot particulier sur le réseau pour qu’on surfe sans encombre sur les Internet de 2019.
  • Tout le reste de l’équipe d’Evolix qui a travaillé sur la mini-DebConf ou qui est resté concentré sur le boulot pour permettre aux autres de s’en détacher : Jessica, Anaïs, Juliette, Éric, Ludo, Bruno, Alexis, Tristan, Victor L, Benoit, Patrick, Pascaline, Quentin F.
  • L’équipe vidéo de Debian (en particulier Nicolas Dandrimont et Louis-Philippe Véronneau), qui s’est déplacée du Québec, de France, d’Allemagne… pour venir faire un boulot remarquable.
  • La Maison du Chant qui nous a ouvert ses portes de la manière la plus généreuse et confortable qui soit.
  • Valentine et Célia, qui ont pris nos contraintes alimentaires et écologiques et en ont fait un régal pour tout le monde (sauf un carnivore un peu frustré).
  • Tous les sponsors de l’événement : Debian France, Evolix, Bearstech et Logilab sans qui le financement de toute cette aventure était impossible.
  • Tou⋅te⋅s les bénévoles « non Evolix » qui ont un ont donné des coups de mains précieux et/ou des idées géniales, avec une mention spéciale à Éda et Victor G nos fidèles Aïolibristes marseillais, Quentin Lejard et Alban Vidal les meilleurs gendarmes du monde (parce ce sont des amours et qu’ils sont au cœur de Debian France).
  • Et enfin les malheureux⋅ses que j’ai oublié⋅e⋅s et qui peuvent me hurler dessus pour que je répare l’affront (mais avec indulgence, j’écris ça du fond de mon lit en plein covid).

J’ai aussi un recul forcément un peu plus grand. Et pour autant je ne renie rien de ce que j’avais écrit alors à chaud.

Après tout ce temps, il me reste la même fierté collective d’avoir fait de cet événement une réussite dont j’ai encore de temps en temps des échos, toujours dithyrambiques.

Ça me redonne encore plus envie de repartir dans une mini-DeConf à Marseille, avec les mêmes valeurs et le souci de satisfaire les gens qui font l’effort de venir. Et encore plus.

PS : J’ai encore du chemin à parcourir sur l’aisance à parler devant des gens (surtout en langue étrangère), car encore fortement appréhendé ma présentation à HAProxyConf il y a quelques semaines. Il faut croire que malgré mon allure assurée, j’ai toujours peur de ne pas être à la hauteur.